Dans sa course effrénée au rattrapage de son retard économique, la Chine n'a guère le temps de s'intéresser aux «détails» : la santé publique, l'environnement, la sécurité industrielle... Il faut des catastrophes comme celle qui touche l'extrême nord du pays pour tirer la sonnette d'alarme, avec l'espoir que des leçons seront tirées. La pollution au benzène du fleuve Songhua a tous les éléments d'un drame déjà vu : une catastrophe industrielle dont on cache les effets potentiellement meurtriers à la population, les rumeurs, la panique, et finalement une mobilisation de tous les efforts pour rétablir la situation.
Mais on a encore vu dans cette catastrophe du fleuve Songhua que l'agence environnementale chinoise, la Sepa, n'est qu'un tigre de papier, incapable de faire entendre sa voix ou de peser sur les choix. Il y a certes un lobby environnementaliste au sein du pouvoir chinois, qui a réussi à faire passer quelques objectifs ambitieux comme le développement des énergies renouvelables, mais il reste du chemin à accomplir pour réaliser l'un des slogans actuels en faveur d'un «PIB vert», une croissance du produit industriel brut respectueuse de l'environnement.
La Chine fait son apprentissage de certaines questions qui se réglaient autrefois de manière autoritaire et secrète. Mais dans une société théoriquement plus ouverte, il y a encore trop d'intérêts personnels et politiques en jeu pour que la transparence soit possible. D'autres catastrophes sont donc à craindre avant que la Chine ne s'attaque concrètement au coût de sa folle croissance, pour elle et aussi pour les autres.